Le camp d’Espérance, les réfugiés acadiens de la Miramichi, 1756-1761
par LeBlanc, Ronnie-Gilles
L’histoire des familles acadiennes qui ont échappé à la déportation ou qui sont restées en Acadie entre 1755 et 1764 demeure mal connue. Il s’agit pourtant d’un épisode marquant de l’histoire de l’Acadie puisqu’on trouve dans ces familles plusieurs ancêtres des membres actuels de la communauté acadienne du Canada. Ce qui est encore moins connu, c’est le séjour de nombre de ces familles non-déportées au camp d’Espérance de la Miramichi à l’hiver 1756-1757. Au départ, ces familles ont fondé de grands espoirs dans l’établissement du camp, puis une famine et une épidémie ont semé la mort au sein de cette population déjà très éprouvée. La mise à jour récente de nouvelles connaissances sur ce camp permet de mieux comprendre ce qui s’y est vraiment passé, d’évaluer plus précisément le nombre de personnes concernées, et de mettre en lumière le parcours de bien des descendants acadiens d’aujourd’hui.
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La commémoration de cet épisode dramatique du Grand Dérangement
Les premiers chercheurs qui se sont intéressés à cet épisode du Grand Dérangement ont tenté d’évaluer le nombre de personnes qui se seraient réfugiées et seraient mortes au camp d’Espérance (NOTE 1) durant l’hiver 1756-1757. Selon eux, entre 3 500 et 6 000 personnes y étaient présentes et entre 500 et 800 d’entre elles y seraient décédées. À la lumière des données historiques et généalogiques (NOTE 2) disponibles aujourd’hui, que nous avons soumises à une analyse serrée, ces chiffres paraissent exagérées. Les efforts de commémoration qui rappellent l’existence de ce camp demeurent cependant pertinents, étant donné le nombre tout de même élevé de personnes concernées, et le rôle clé qu’elles ont joué dans la perpétuation des communautés acadiennes du Canada.
La plaque du premier monument que la Commission des lieux et monuments historiques du Canada a érigé sur le site du camp d’Espérance, en 1931, se lit comme suit :
«Des Acadiens, chassés de la Nouvelle-Écosse en 1755, vinrent s'établir ici, dans un village fondé par un officier canadien du nom de Charles des Champs de Boishébert, dont l'île tire son nom. Occupant l'île en face de 1'emplacement présent et la pointe voisine, le village était un lieu de ralliement pour les expéditions contre les Anglais en Acadie et un point de transbordement des approvisionnements venant de Québec. Il fut détruit par les Anglais en 1760 (NOTE 3); néanmoins l'île elle-même devint un chantier maritime important au cours du XIXe siècle (NOTE 4).»
Depuis 2010, une nouvelle plaque a été apposée au lieu historique national du Canada Boishébert, à Wilson’s Point, à la suite de la révision du dossier par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada. Cette nouvelle plaque se lit ainsi :
«LE REFUGE Boishébert
Menés par l’officier français Charles Deschamps de Boishébert, quelques milliers d’Acadiens se réfugièrent ici, aux fourches de la Miramichi, lors des déportations qui débutèrent en 1755. À la suite de la famine et de la maladie qui, entre 1756 et 1758, décimèrent des centaines d’entre eux, plusieurs survivants s’enfuirent au Québec et dans la baie des Chaleurs. Bien que l’on retrouve des vestiges de leur présence surtout à la pointe Wilsons, l’île Beaubears faisait partie intégrante de cet établissement temporaire. Ce « Camp de l’Espérance » représente un chapitre important de l’histoire des Acadiens dans les Maritimes.»
À l’été 2006, dans la foulée du 250e anniversaire de la Déportation des Acadiens, la Commission pour la commémoration de l’Odyssée acadienne et du Grand Dérangement a elle aussi érigé un monument commémoratif sur les lieux du camp d’Espérance de la Miramichi, à Wilson’s Point. Voici quelques extraits de cette plaque qui présente un point de vue différent et des informations additionnelles :
«Le Camp d’Espérance
[…] Propice à la chasse et à la pêche, ce lieu redonne espoir aux familles acadiennes qui le nomment Camp d’Espérance. En réalité, il a été un véritable enfer pour ces personnes qui fuyaient la Déportation et leur pays soumis à la destruction.
[…] l’administration de la Nouvelle-France pensait offrir aux réfugiés un endroit stratégique plus facile à défendre et à approvisionner. Cependant, certains administrateurs corrompus détournent les fonds devant servir à l’achat de vivres pour ces réfugiés.
Abandonnés à eux-mêmes, frappés par la famine et par une épidémie de petite vérole, les réfugiés acadiens du Camp d’Espérance mourront par centaines à l’hiver de 1756-1757. Ce sera l’une des pires pages de l’histoire du Grand Dérangement. […]»
Au prix qu’ont atteint le bronze et le cuivre, il n’est pas nécessaire d’envisager le remplacement de toutes ces plaques commémoratives, même s’il apparaît certain que le nombre de personnes touchées est moindre que ce qu’on peut y lire.
Quelques chiffres pour y voir plus clair
À l’été 1755, à la veille de la Déportation, la population d’origine acadienne est évaluée à 14 000 personnes, dont près de 1 200 sont déjà réfugiés à l’Île-Royale (actuelle île du Cap-Breton) et près de 3 000 à l’Île-Saint-Jean (actuelle Île-du-Prince-Édouard). On estime que 6 345 personnes demeuraient toujours en Acadie anglaise, ou Nouvelle-Écosse péninsulaire, et 2 897 dans la région de Beaubassin et des rivières Chipoudie, Petcoudiac et Memramcook, pour un total de 9 242 personnes. De ces dernières, environ 6 070 personnes ont été déportées dans les colonies anglo-américaines à l’automne 1755. Où sont passées les 3 000 autres qui n’ont pas été capturées durant cette première phase de la Déportation acadienne? Elles ont pour la plupart trouver refuge dans les établissements déjà existants des îles Saint-Jean et Royale, ou dans la forêt environnante.
Si l’on se fie aux chiffres avancés par les autorités coloniales françaises, l’Île-Saint-Jean a accueilli 1 257 réfugiés entre l’automne 1755 et le printemps suivant, sans compter ceux qui y sont passés un peu plus tard. Afin d’alléger le fardeau que représentent ces réfugiés, Gabriel Rousseau de Villejouin, l’officier responsable de cette colonie française, en a fait passer plusieurs à Québec durant l’été 1756. Mais à l’automne, il a encore la charge d’au moins 1 400 personnes à la ration. À la même époque, il reste environ 1 000 personnes aux rivières Chipoudie, Petcoudiac et Memramcook, sans compter une cinquantaine de familles nouvellement arrivées de Port-Royal et des Mines, quelques personnes revenues de la Caroline du Sud et environ 370 réfugiés de la région de Cocagne depuis l’automne 1755.
Les événements précurseurs
Au lendemain de la prise des forts Beauséjour et Gaspareau, à la fin juin 1755, les Britanniques se tournent vers le fort situé à l’embouchure du fleuve Saint-Jean. Ce poste français confié aux soins du jeune officier Charles Deschamps de Boishébert ne dispose que d’une garnison de 30 hommes. Il ne peut donc résister à l’attaque lancée par les Britanniques et il ordonne de faire sauter la place après avoir transporté ses munitions en amont du fleuve. Les Britanniques rebroussent vite chemin, par crainte d’être attaqués par la troupe de Boishébert, ses alliés amérindiens et les habitants acadiens venus à la rescousse. Boishébert en informe le gouverneur Vaudreuil qui approuve sa conduite et l’enjoint d’établir un camp volant au lieu qu’il jugera le plus opportun.
Vers la mi-août, en réponse aux sollicitations des Acadiens, Boishébert se porte à la rivière Petcoudiac avec un détachement de 120 hommes, soit 30 soldats français et 90 guerriers autochtones. Le 2 septembre 1755, il surprend un détachement de miliciens de la Nouvelle-Angleterre venus détruire les établissements de Petcoudiac après avoir semé la destruction à la rivière Chipoudie. En quelques heures, Boishébert inflige un dur revers aux troupes anglo-américaines qui regagnent leurs vaisseaux et rentrent au fort Cumberland.
Boishébert implore Vaudreuil de lui faire parvenir des vivres au fleuve Saint-Jean. Mais il installe son camp volant à Cocagne, car il peut plus facilement y recevoir des vivres par la mer. Vaudreuil, qui espère ainsi s’assurer la fidélité des Acadiens et des autochtones qui, autrement, se croiraient abandonnés et se livreraient peut-être aux Anglais, appuie l’initiative de Boishébert.
Mais il faut nourrir ces réfugiés. Le bétail qu’on a soutiré aux Britanniques dans la région de Beaubassin a suffi durant l’hiver 1755-1756. Cependant, la récolte de 1756 a été complètement ruinée par de forts vents à l’Île-Saint-Jean et au Canada, de sorte que la situation générale s’aggrave. Nous pouvons imaginer le triste état dans lequel se trouvent les réfugiés acadiens en 1756. Car la disette règne partout en Nouvelle-France, mais ces derniers en sont davantage affectés puisqu’ils dépendent entièrement de l’aide attendue de France.
La question des réfugiés acadiens pose d’ailleurs problème aux autorités coloniales françaises qui ne savent comment les nourrir en cette période de disette. L’abbé François Le Guerne et Boishébert tentent dès l’automne 1755 de diriger certains réfugiés à l’Île-Saint-Jean, ou encore vers le fleuve Saint-Jean pour qu’ils se rendent à Québec. Toutefois, les Acadiens sont réticents à l’idée de se réfugier au Canada. L’abbé Le Guerne l’explique ainsi : « On se figure […] qu’une fois en Canada, on ne reviendra plus de cet exil. Telle est la façon de penser de ces bonnes gens qui n’ont jamais encore sorti de leur païs. À les entendre on est misérable partout ailleurs […]. L’Accadie disent-ils jusqu’à ces dernières années étoit un paradis sur terre. » (NOTE 5) Il rapporte également comment le projet d’établir le camp à la Miramichi a germé : « …l’intérêt forma une clique pour les mettre à Miramichi; un de nos confrères même sans faire beaucoup de réflexions y entra et fit tout ce qu’il put secrètement pr persuader aux Acadiens que c’étoit là leur meilleur parti; il y réussit trop pr le malheur des pauvres gens, qui n’étoient jamais plus contens que quand on leur proposoit des moyens de ne pas s’éloigner de leur pays, [à l’entendre] Miramichi étoit un excellent endroit, la pesche et la chasse y abbondoient et on y seroit à l’abri de l’anglois…» (NOTE 6).
C’est ainsi qu’à la fin de l’été 1756, le camp de réfugiés de la Miramichi, ou camp d’Espérance, prend forme, au moment où la Nouvelle-France toute entière connaît une grave période de disette. De plus, les réfugiés acadiens ne sont pas seuls. S’y trouvent également des familles amérindiennes, alliées des Français, dont les hommes sont appelés à faire la guerre aux Britanniques en retour de leur subsistance (NOTE 7). Ces familles – vraisemblablement plusieurs centaines de personnes – vont y hiverner en prévision de l’attaque attendue des Britanniques contre Louisbourg, à l’été 1757, à laquelle les Français veulent à tout prix résister.
La pénurie de nourriture se manifeste rapidement au camp d’Espérance. D’abord, tel que promis, l’intendant Bigot fait partir de Québec un bâtiment chargé de vivres pour la Miramichi, mais ce navire doit faire relâche en cours de route à cause de vents contraires. Boishébert se tourne également vers l’Île-Saint-Jean pour y trouver du secours, mais le commandant Villejouin n’y peut rien, sa colonie étant réduite à la dernière ressource. En conséquence, la misère est si grande au camp d’Espérance, que, dès le début de l’hiver, Boishébert est contraint de réduire la ration des réfugiés acadiens, des familles autochtones et de la garnison, malgré les 40 bœufs reçus de Petcoudiac. Rapidement, le pain manque aussi. On est réduit à se nourrir des peaux de bœufs qu’on avait mangés l’année précédente, ainsi que de l’huile de phoque dont il restait une petite provision. Une fois ces provisions épuisées, les enfants à la mamelle meurent et les Acadiens, désespérés, se révoltent conte ceux qu’ils soupçonnent d’avoir des réserves de vivres. Boishébert doit intervenir et, lorsqu’il leur demande ce qu’ils veulent, ils répondent : « Prolonger nos jours ». Cette situation l’afflige au point qu’il leur fait distribuer sur le champ la moitié de ce qui lui reste de sa propre nourriture. Il engage alors ceux qui en ont encore la force de fabriquer des traîneaux pour tirer les plus faibles sur la neige pour gagner la rivière de Pokemouche sise à environ 26 lieues (une centaine de kilomètres de distance) pour y faire la pêche. Un groupe de 500 personnes entreprend ce voyage au cours duquel 83 décèdent. Le bilan aurait été plus lourd encore, n’eut été des peaux de bœufs que l’abbé Manach leur donne au passage à sa mission sise à une quarantaine de kilomètres du camp d’Espérance.
Entre temps, Boishébert a encore 1 200 soldats et réfugiés acadiens à nourrir et il manque de tout. Il propose alors à un autre groupe de se transporter à la rivière de Pokemouche pour rapporter du poisson à ceux qui resteront au camp. Onze jours plus tard, ils ramènent un peu de poisson, ce qui permet aux plus faibles de partir à leur tour pour la rivière de Pokemouche. En réitérant souvent ces voyages, on réussit à passer l’hiver. Mais à compter de la fin mars, les glaces trop minces rendent impossible le trajet jusqu’à Pokemouche. Bientôt, il ne reste plus à manger que des peaux de castor et des souliers faits de peaux de chevreuil. Boishébert écrit : « … les officiers, les soldats & les Acadiens, tombant en défaillance, & couchés languissant à terre… » n’attendent que la mort. Mais, enfin, à travers les glaces, un bâtiment chargé de provisions (NOTE 8) arrive de Québec, envoyé par Vaudreuil qui n’est pas insensible aux malheurs des réfugiés du camp d’Espérance. Ces vivres permettront aux réfugiés qui restent de poursuivre le chassé-croisé qu’ils ont entrepris afin d’échapper à la déportation.
Nouvelle estimation du nombre de réfugiés au camp d’Espérance
Combien de personnes au juste se trouvent pris dans cet enfer du camp d’Espérance à l’hiver 1756-1757? À partir des documents d’époque qui évaluent ce nombre de personnes et, surtout, des chiffres plus précis que fournissent les données généalogiques, nous évaluons le nombre total de réfugiés acadiens qui débutent l’hiver 1756-1757 au camp d’Espérance à 1 376 personnes. De ceux-ci, environ 400 vont mourir au cours de l’hiver et 976 d’entre eux survivront. Enfin, parmi ces survivants, 120 d’entre eux se rendront tout de suite à Québec, alors que 856 demeureront en Acadie, notamment à Ristigouche, Miramichi, Caraquet et Shippagan.
Les documents que nous avons consultés et l’analyse que nous en avons faite sont présentés en annexe de cet article.
La fin du camp d’Espérance
Dès le lendemain de la chute de Louisbourg, à la fin juillet 1758, le commandant en chef de l’armée britannique en Amérique du Nord, le général Jeffrey Amherst, a ordonné au brigadier-général James Wolfe de diriger une expédition contre les établissements de Miramichi, Gaspé et autres postes environnants. Wolfe charge ensuite le colonel James Murray de diriger une expédition de près de 800 hommes contre les établissements de la Miramichi où il arrive à bord du Juno le 15 septembre 1758, accompagné du brulôt Aetna et de six vaisseaux de transport de troupes. Murray veut agir rapidement car les navires qui mouillent à l’embouchure de la baie de Miramichi sont exposés aux vents du large qui risquent de les pousser sur la côte. Avec 300 hommes, Murray dirige donc une attaque contre la mission micmaque (Burnt Church aujourd’hui) dont il fait incendier l’église et les habitations micmaques et acadiennes. Murray voudrait aussi détruire le camp d’Espérance, situé plus haut sur la rivière, mais les capitaines s’y opposent et Murray fait rembarquer ses hommes. La petite escadre lève l’ancre le 18 septembre et retourne à Louisbourg en laissant le camp d’Espérance intact.
Le premier commandant du camp volant établi à la Miramichi, Boishébert, rentre définitivement à Québec à l’automne 1758. Son successeur, le lieutenant Bourdon de Dombourg, déplace le camp à la Ristigouche au printemps 1759. Des familles de l’Île-Saint-Jean et du camp d’Espérance l’y rejoignent. Mais d’après Wolfe et Murray, la majorité des familles de réfugiés acadiens demeuraient toujours au camp d’Espérance à la fin de l’été 1758.
Dès l’année suivante, en effet, le poste de Ristigouche sera complètement déserté et les familles de réfugiés seront éparpillées autour de la baie des Chaleurs, entre autres à Bonaventure, à Nipisiguit, à Caraquet, à Shippagan, et à Miramichi, où Pierre du Calvet recense 24 familles en août 1761. Moins de trois mois plus tard, en octobre 1761, le capitaine Roderick MacKenzie, commandant du fort Cumberland, dirige une expédition contre les établissements de réfugiés acadiens, incluant ceux de Miramichi, et capture la majeure partie de ceux-ci. Ces familles seront gardées prisonnières pendant quelques années, puis, à partir de l’automne 1764, les Britanniques les laissent partir là où elles le souhaitent.
Plus de la moitié d’entre elles, qui ont sans doute séjourné au camp d’Espérance en 1756-1757, reste en Acadie. Alors que les autres vont s’établir en Louisiane, à Québec, en France et dans l’île de Saint-Domingue (Haïti actuel), principalement. Grâce au Dictionnaire généalogique des familles acadiennes (DGFA), nous pouvons suivre 309 de ces 452 ménages ou individus. Parmi elles, 145 demeurent dans les Maritimes (58 en Nouvelle-Écosse, 6 à l’Île-du-Prince-Édouard et 81 au Nouveau-Brunswick), 114 vont en Louisiane, 43 choisissent le Québec, 21 optent pour Miquelon et 7 pour Saint-Domingue.
Le site du camp d’Espérance est ensuite occupé par des colons d’origine britannique. Mais le souvenir du fatidique hiver de 1756-1757 est demeuré ancré dans la mémoire collective acadienne. Dans la première moitié du XIXe siècle, des auteurs en font mention et à la fin de ce siècle, la tradition orale acadienne en maintient encore le douloureux souvenir.
Aujourd’hui, le Lieu historique national du Canada Boishébert, le parc provincial The Enclosure et le site historique provincial de la pointe Wilson’s perpétuent le souvenir des réfugiés acadiens qui ont séjourné au camp d’Espérance, dont plusieurs sont les ancêtres des Acadiens qui habitent aujourd’hui dans les Maritimes et au Québec.
Ronnie-Gilles LeBlanc
Historien, Parcs Canada
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Notes
1. Dans le cours de nos recherches, nous n’avons trouvé qu’une seule mention du nom qu’a porté le camp de réfugiés de la Miramichi, soit « camp d’Espérance ». Cette référence se trouve dans un document que Placide Gaudet a transcrit dans la région de Memramcook en 1884. Il s’agit d’une lettre de change adressée par le garde des magasins du roi à Miramichi à la veuve Jean Part pour des services rendus comme boulangère en date du 11 août 1758, « au camp d’Espérance ». Voir Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson, fonds Placide-Gaudet, 1.31-6, Placide Gaudet à Benjamin Sulte, St Joseph, Memramcook N.B., le 23 décembre 1884. C’est donc cette graphie que nous allons privilégier dans ce texte.
2. L’auteur désire remercier sincèrement M. Stephen A. White, généalogiste du Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson de l’Université de Moncton, pour lui avoir donné accès à ses notes manuscrites du Dictionnaire généalogique des familles acadiennes. Sans ces données généalogiques, il aurait été impossible de mener à bonne fin cette étude.
3. Nous savons maintenant que le camp n’a pas été détruit en 1760.
4. La plaque originale se lisait ainsi: « En face est l'île Beaubears qui tient son nom d'un officier canadien, Charles Deschamps de Boishébert. En 1756 celui-ci y établit sous le nom de "Camp d'Espérance", un camp de concentration où les Acadiens, dont il s'était fait le protecteur, trouvèrent un refuge jusqu'en 1759. »
5. ANC, Série C11A vol. 87, f. 396r, François Le Guerne à Prévost, Belair vers Cocagne, 10 mars 1756 et Placide Gaudet, Acadian Genealogy and Notes concerning the Expulsion, Pawtucket, Quintin Publications, Inc., 1996, (réimpression de Report Concerning Canadian Archives for the year 1905, vol. II, « Acadian genealogies and documents concerning the expulsion of the Acadians », prepared by Placide Gaudet, Ottawa, S.E Dawson, 1906), p. 352-353.
6. Charles-Octave Gagnon, Lettre de M. l’abbé Le Guerne missionnaire de l’Acadie, Québec, Imprimerie Générale A. Côté et Cie, 1889, p. 48, François Le Guerne à [ L’abbé de l’Isle-Dieu(?) ], printemps 1757, Québec. Boishébert est probablement l’instigateur de ce projet, et Vaudreuil l’a appuyé. Voici ce qu’écrit le gouverneur Vaudreuil à ce sujet « Tous les accadiens m’ont envoyé des députés qui ont représenté à M. L’intendant et à moy que Miramichis est le seul endrois où ils peuvent se retirer pour y subsister l’hyver prochain. Que la peche y est abondante et que pour peu qu’on leur envoye des secours de Québec, ils espèrent de s’y soutenir au lieu qu’on ne pourroit leur en procurer à la Rivière St. Jean à cause de la difficulté du transport par Thémiscouata. Nous leur avons accordé leur demande. J’ay donné ordre à M. de Boishébert de faire passer à Miramichis tous les accadiens qui sont à Cocagne, de même que toutes les familles qu’il ne pourra faire subsister à la Rivière St. Jean et ses environs, et de les occuper à faire des angards pour recevoir et mettre les vivres que M. l’intendant va y faire passer. » ANC, Série C11A vol. 101, f. 81v-82r, Vaudreuil au ministre, Montréal, 6 août 1756. Selon Le Guerne, le site du camp d’Espérance est à : « … 10 lieues au dessus de la mission des sauvages dans un lieu affreux, où l’on a jamais rien semé, où il n’y a point de chasse et peu à pescher. » Voir C.-O. Gagnon, Lettre de M. l’abbé Le Guerne missionnaire de l’Acadie, op. cit., p. 29, note (1).
7. Au camp de réfugiés de Cocagne à l’hiver 1756, se trouvent plusieurs familles canibas, malécites et abénaquises qui ont suivi Boishébert après son retrait du fort de Ménagouèche à l’embouchure du fleuve Saint-Jean. Les hommes ont participé aux campagnes de Boishébert à la rivière Petcoudiac et dans la région de l’isthme de Chignectou à l’automne 1755. Ce sont ces guerriers amérindiens qui reprennent aux Britanniques le bétail confisqué aux Acadiens l’été et l’automne précédent, ce qui leur permet de nourrir leurs familles ainsi que les familles de réfugiés acadiens.
8. Clos, procureur, Mémoire pour le sieur de Boishébert, Capitaine, Chevalier de Saint Louis, ci-devant Commandant à l’Acadie, Paris, Imprimerie de Moreau, 1763, p. 25-27. Voici par ailleurs la description qu’en fait Vaudreuil en se basant sans doute sur les rapports reçus de Boishébert et de Le Guerne entre autres : « … les Accadiens voyent mourir leurs enfans à leur mammelle ne pouvant les substanter. La pluspart ne peuvent paraître parce qu’elles n’ont point d’hardes pour mettre leur nudité à couvert. Il est mort beaucoup d’Accadiens. Le nombre des malades est considérable et ceux qui sont convalescens ne peuvent se rétablir par la mauvaise qualité des alimens qu’ils prennent étant souvent dans la nécessité de manger des chevaux extrêmement maigres, de la vache marine et de la peau de bœuf. Tel est, Monseigneur, l’état où se trouvent les Accadiens. » ANC, Série C11A vol. 102, f. 32v, Vaudreuil au ministre, Montréal, 17 avril 1757. Outre la famine, les Acadiens ont également été atteints d’une maladie contagieuse selon Le Guerne : « … ces pauvres gens sont morts l’hyver dernier en grande quantité de faim et de misère et ceux qui ont échappé à la mort n’ont point échappé à une horrible contagion et ont été réduits par la famine qui y règne à manger du cuir de leurs souliers, de la charogne et quelques-uns même ont mangé jusqu’à des excrémens d’animaux, la bienséance m’oblige de supprimer le reste. » Voir C.-O. Gagnon, Lettre de M. l’abbé Le Guerne missionnaire de l’Acadie, op. cit., p.29-30. Bougainville écrit à ce sujet : « … Ils mangent aussi de la vache marine et quelques chevaux maigres. Cette mauvaise nourriture occasionne beaucoup de maladie. » Voir Rapport de l’archiviste de la province de Québec (RAPQ) 1923-1924, Journal de Bougainville, p. 252.