Place-Royale à Québec, l’origine d’une ville
par Couvrette, Sébastien
La Place-Royale à Québec est un site historique et archéologique unique en Amérique du Nord. Considérée comme le lieu de naissance de l’Amérique française, elle a joué un rôle majeur dans le développement socioéconomique de la colonie française puis anglaise du Saint-Laurent, du XVIIe au XIXe siècle. À partir des années 1860, la concurrence du port de Montréal entraîne le déclin de celui de Québec et, par le fait même, du secteur de Place-Royale. Dans les années 1940, l’état de décrépitude des lieux engendre la mise sur pied d’un vaste projet de reconstruction qui sera réalisé dans les années 1970 et 1980, en vue de restituer à cet endroit son cachet français d’Ancien Régime. Les fouilles archéologiques et les recherches historiques effectuées à cette occasion ont révélé la richesse patrimoniale exceptionnelle de ce premier centre-ville français d’Amérique.
Article available in English : Place-Royale: Where Quebec City Began
Un important site historique et archéologique
Les importants travaux de reconstruction de la Place-Royale menés dans les années 1970 et 1980 ont révélé la présence d’éléments caractéristiques du patrimoine architectural français d’Ancien Régime (NOTE 1). Ces mises en chantier ont été accompagnées de programmes de fouilles archéologiques qui ont permis de mettre au jour de très nombreux artéfacts témoignant de la longue histoire de la présence humaine sur les lieux, d’abord amérindienne, puis européenne (NOTE 2). Les découvertes réalisées au cours des interventions pratiquées à la Place-Royale constituent une mine d’informations sur les fonctions commerciales et résidentielles de l’endroit au cours des différentes époques d’occupation. À partir des artéfacts retrouvés lors des fouilles, une collection archéologique composée de près de 14 000 objets restaurés et documentés a été constituée (NOTE 3). Ces documents historiques et archéologiques contribuent à révéler maints aspects du patrimoine matériel et des pratiques culturelles du Québec.
Les premières occupations européennes
En 1975, le premier chantier de fouilles archéologiques visant à retrouver les fondations de l’Habitation de Champlain est inauguré devant le parvis de l’église Notre-Dame-des-Victoires (NOTE 4). D’autres fouilles suivront dans les années 1970 et 1980 afin d’explorer plus en profondeur le site. Les traces documentaires et archéologiques indiquent que l’Habitation de Champlain n’a pas eu pour unique fonction de servir de comptoir commercial et de lieu d’entreposage des fourrures, des vivres, des armes et des munitions : elle a également fait office de résidence pour les premiers colons. Ces derniers s’y trouvaient à l’abri non seulement des intempéries et du froid, mais également d’attaques potentielles provenant de tribus amérindiennes hostiles ou des Britanniques (NOTE 5). Les artéfacts et les écofacts – vestiges animal, minéral et végétal – récoltés dans les couches sédimentaires correspondant aux années 1610 à 1630 témoignent des pratiques culturelles et alimentaires des Français de l’époque, qui empruntent certains éléments à la culture amérindienne, comme l’usage du tabac. Parmi les très nombreux fragments de pièces de vaisselle en grès, en faïence ou en porcelaine et de pipes en argile ou en terre cuite, les archéologues ont également retrouvé une écritoire en plomb qui aurait peut-être appartenu à Champlain.
Une place de marché
Dans les années 1630 et 1640, les alentours de l’Habitation sont progressivement aménagés. Sous la gestion du gouverneur Charles Huault de Montmagny, arrivé dans la colonie en 1636, s’esquisse une organisation urbaine primitive avec le tracé des rues et le lotissement des terrains de la Place-Royale. Le remblayage du fossé entourant l’Habitation favorisera la construction d’édifices à vocation commerciale et résidentielle. Le bâtiment érigé par Champlain servira dorénavant de magasin du Roy. Une fois comblé, l’espace situé devant le magasin devient une place publique. C’est là que sont affichées les ordonnances du gouvernement colonial, que sont exécutées les sentences publiques et que se déroulent les activités du marché qui commencent vers 1640 (NOTE 6).
À partir des années 1650, la liberté de commerce, effective depuis 1648, et la proximité du port vont attirer de nombreux marchands et contribuer au développement de la ville. Alors qu’il n’y avait encore qu’une dizaine d’habitations au milieu du XVIIe siècle, la forte croissance démographique de la population au cours des décennies suivantes incite les autorités coloniales à règlementer la construction de bâtiments et à planifier l’aménagement urbain; elles légifèrent également en vue d’encadrer le comportement des habitants (NOTE 7). En 1680, le nombre de personnes vivant dans le secteur de la Place-Royale s’élève à 300, soit plus du double que 15 ans auparavant.
L’incendie de 1682
Les maisons de ce secteur, environ une soixantaine, sont pour la plupart des constructions de bois à un seul étage avec des toits de planches ou en bardeaux de cèdres, serrées les unes contre les autres, séparées seulement par des murs mitoyens. Dans ces conditions, quand un incendie éclate en 1682, il se propage rapidement et atteint une rare violence. Malgré les dispositions prises par le gouverneur Frontenac en matière de prévention des incendies, le feu cause des dommages importants, détruisant la plupart des habitations (NOTE 8). Par ailleurs, une explosion laisse le magasin du Roy en ruine; sur cet emplacement devenu vacant sera érigée l’église Notre-Dame-des-Victoires à partir de 1688.
Dans les décennies suivantes, la reconstruction de la Place-Royale se fera dans l’idée d’une organisation urbaine planifiée, axée sur l’intention de prévenir un événement aussi dramatique que celui de 1682. Les maisons gagnent en hauteur avec un deuxième et parfois même un troisième étage; elles sont construites entièrement ou partiellement en pierres avec des murs mitoyens s’élevant au-dessus des toitures pour servir de coupe-feu. Les toits mansardés sont recouverts de planches ou de bardeaux de cèdre, malgré l’interdiction faite à cet effet. À partir de ce moment, le secteur de la Place-Royale se sature rapidement et changera peu jusqu’à la fin du Régime français.
Rebâtir… à la française ou à l’anglaise?
Lors du siège de Québec en 1759, les bombardements de l’armée britannique détruisent les résidences de la Place-Royale et l’église Notre-Dame-des-Victoires, ne laissant debout que des murs de pierres et quelques vestiges architecturaux intérieurs et extérieurs, dont certains sont encore visibles aujourd’hui. Les fouilles archéologiques et les travaux de restauration des maisons réalisés à partir des années 1960 ont d’ailleurs mis à jour de nombreuses traces du conflit, comme des fragments de bombes et des boulets de canon. Des fouilles menées à l’emplacement de caves voûtées, où sont entreposées les marchandises des commerçants, et d’anciennes latrines des maisons de Place-Royale ont révélé de précieux détails sur la vie quotidienne des marchands et des artisans. Certains objets découverts témoignent d’un niveau de vie relativement aisé, dont des bouteilles de vin, des porcelaines chinoises de très grande qualité ainsi que des assiettes et des récipients en faïence française.
Après la Conquête, une reconstruction rapide de la Place-Royale s’impose, car il s’agit d’un centre d’activité économique essentiel pour toute la région de Québec. De plus, de nombreux acteurs socioéconomiques de grande importance, notables et marchands, y vivent. Les artisans de la reconstruction – maître-maçons, charpentiers, menuisiers, architectes – sont des francophones qui s’appuieront sur la tradition française pour redonner vie au quartier. Ainsi, jusqu’au milieu du XIXe siècle, les caractéristiques architecturales des maisons de la Place-Royale seront le résultat des contraintes imposées par ce milieu urbain étroit et du savoir-faire traditionnel des artisans d’origine française, plutôt que de l’influence britannique.
Les nouveaux édifices sont bâtis en pierre, possèdent une toiture en planches à deux versants ainsi que des murs enduits de crépi et s’élèvent souvent sur quatre étages. L’exiguïté des lieux demeure problématique malgré le réaménagement des berges et des quais qui ont permis d’augmenter l’espace habitable et commercial du côté du fleuve. La superficie appréciable des demeures et le type de matériaux utilisés dans leur construction sont autant de signes de distinction de la classe des marchands de la Place-Royale. Dans les autres secteurs de la ville de Québec, les habitations sont généralement en bois, comptent un seul étage et sont de taille modeste. Enfin, la fonction commerciale de la Place-Royale a laissé des traces dans l’architecture des maisons, dont de nombreuses caves souterraines voûtées et des lucarnes à palan, qui servaient à hisser de la rue des marchandises par un système de cordage et de poulies afin de les entreposer au grenier (NOTE 9).
Alors que l’architecture britannique a eu peu d’influence sur l’apparence des bâtiments de la Place-Royale, la culture britannique – notamment par l’entremise des marchands anglais qui sont plus nombreux que les francophones à Québec au tournant du XIXe siècle – y est bien présente (NOTE 10). Les fouilles archéologiques révèlent une abondance de pièces de vaisselle fabriquées dans des matériaux provenant d’Angleterre, comme la terre cuite fine crème, résistante et relativement peu coûteuse, le jasper ware et le grès fin, imitant la porcelaine chinoise. D’autres objets témoignent d’habitudes alimentaires typiquement anglaises, comme la consommation de thé.
Un commerce dominé par le bois
Tout au long du XIXe siècle, les activités du port de Québec vont graviter autour du commerce du bois destiné à la Grande-Bretagne (NOTE 11). En raison de cette forte demande pour le bois, qui se traduit également par une forte croissance de la construction navale en bois, le secteur des affaires est peu diversifié à Québec et les industries et les manufactures sont rares dans le secteur de la Place-Royale. Des marchands feront également de l’importation afin de fournir en produits manufacturés la population de la ville de Québec (NOTE 12). Des négociants et des commerçants de la Place-Royale font modifier le rez-de-chaussée et la façade de leur habitation afin d’y pendre des enseignes, d’y installer des devantures commerciales et d’y tenir boutique. En raison du manque d’espace, certains propriétaires ajoutent des étages supplémentaires à leur édifice et, afin d’uniformiser l’apparence du bâtiment, le font recouvrir de briques, un revêtement typiquement britannique (NOTE 13). À la fin du XIXe siècle, la Place-Royale change donc peu à peu d’aspect, perdant progressivement ses caractéristiques françaises d’Ancien Régime.
Au cours des années 1830, l’insalubrité de la Place-Royale et une grave épidémie de choléra incitent certains marchands et propriétaires à déménager en Haute-Ville. Dès lors, le secteur sera surtout habité par des boutiquiers et des tenanciers ainsi que par des locataires, pour la plupart des ouvriers du port et des immigrants irlandais fuyant la famine qui sévit en Irlande. Des entreprises commerciales et des hangars prendront le pas sur la fonction résidentielle du lieu. Attirées par l’intensification des activités commerciales, des institutions financières – banques, compagnies d’assurances et même la Bourse de Québec – viennent alors s’installer à proximité de la Place-Royale sur la rue Saint-Pierre, consacrant la vocation de centre économique majeur de ce secteur. Toutefois, cette situation sera de courte durée.
En raison de la concurrence du port de Montréal, de l’essor du marché du fer et du développement du réseau ferroviaire, les activités portuaires de Québec, qui restent concentrées sur le commerce du bois, amorcent leur déclin au début des années 1860 (NOTE 14). Intimement liée au port de Québec, le marché de la Place-Royale ne tarde pas à décliner à son tour. L’activité commerciale se déplace : en 1860 a lieu l’inauguration d’un imposant bâtiment de pierre abritant le marché Champlain. Cette halle, érigée à l’anse du Cul-de-Sac, à deux pas de la Place-Royale, évince définitivement ce qui a été, pendant plus de 200 ans, le principal marché de Québec. En 1895, l’installation d’une fontaine au centre de la place souligne le changement de vocation de l’endroit, désormais simple place publique.
Un dernier sursis
Dans les premières décennies du XXe siècle, le développement de l’industrie du tourisme et de la villégiature font de Place-Royale un endroit de prédilection pour les services hôteliers et de restauration. À cet égard, le changement de vocation de certaines résidences, qui avaient jusque-là conservées des traits de l’architecture française, entraîne des modifications architecturales qui leur confèrent un aspect plus contemporain (NOTE 15). Avec les facilités d’accès engendrées par le tramway, les ouvriers du port quittent la Place-Royale, dont les immeubles locatifs commencent à tomber en désuétude, pour les faubourgs de Québec (NOTE 16).
Devenue lieu de résidence de familles pauvres, de locataires plutôt que de propriétaires, la Place-Royale se dégrade, les taudis se propagent et le secteur devient progressivement un quartier défavorisé. Des années 1900 à 1940, les travaux de rénovation pratiqués sur certains édifices feront davantage disparaître les derniers vestiges du Régime français. Au milieu du XXe siècle, les lieux ont atteint un tel état de délabrement que se met en place un vaste plan de revitalisation qui se réalisera dans les années 1970 et 1980. Le projet visera notamment à rappeler les origines françaises de la Place-Royale.
Découvrir la Place-Royale de nos jours
De nos jours, il est possible de voir une partie de ces artéfacts au Centre d’interprétation de Place-Royale. Inauguré en 1999, le Centre se situe à la Place-Royale sur l’emplacement de deux maisons historiques, dont il subsiste quelques vestiges importants (NOTE 18). Le patrimoine matériel et immatériel y est mis en valeur dans des expositions permanentes notamment constituées d’une maquette retraçant les transformations architecturales des habitations au fil des siècles, d’artéfacts illustrant la vie au Régime français et la présence amérindienne remontant à près de 3 000 ans avant notre ère, ainsi que de reconstitutions d’intérieurs québécois du XVIIe au XIXe siècle. Le Centre organise également des animations réalisées par des comédiens personnifiant des personnages célèbres et des gens de métier. Enfin, un film utilisant la technologie 3D porte sur l’épopée de Samuel de Champlain. Par ces divers procédés muséologiques et ces nouvelles technologies de communication, le Centre d’interprétation de Place-Royale rend accessible au public une riche collection d’artéfacts et fait revivre l’histoire et le mode de vie des gens qui ont habité ces lieux au fil des siècles.
Sébastien Couvrette
Historien,
Université Laval
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Entrevue avec Denis Vaugeois sur la Place-Royale, à Québec Denis Vaugeois, ex-ministre responsable du dossier au tournant des années 1970 et 1980, relate une période marquante des rénovations effectuées à Place-Royale et donne son point de vue sur l’intégration actuelle de cette place éminemment touristique dans la trame urbaine environnante. Séquences d'archives, photographies anciennes et prises de vue récentes viennent appuyer les propos de Denis Vaugeois sur ce ce projet d'envergure qui a suscité de nombreux débats.
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Notes
1. Sauf indication contraire, le terme de Place-Royale désigne, dans le présent article, l’ensemble des édifices qui entourent la place où s’élève l’église Notre-Dame-des-Victoires. Le secteur de la Place-Royale, quant à lui, englobe les rues avoisinantes et correspond à ce qui est identifié comme étant le quartier Place-Royale.
2. Les plus anciens objets découverts à la Place-Royale – parmi lesquels des morceaux de poterie, des outils de pierre et même une fosse funéraire – appartiennent à la culture amérindienne et indiquent une série d’occupations intermittentes qui remontent à plus de 2 000 ans avant l’arrivée de Samuel de Champlain. Les vestiges les plus anciens trouvés dans le secteur de la pointe de Québec témoignent d’une présence amérindienne remontant à près de 3 000 ans avant notre ère (Norman Clermont, Claude Chapdelaine et Jacques Guimont, L’occupation historique et préhistorique de Place-Royale, Québec, Publications du Québec, 1992).
3. Une partie de ces objets peuvent être visualisés sur le site Place-Royale, d'aujourd'hui à hier [en ligne], http://mcq.org/place-royale/fr/collections.php, et dans l’ouvrage de Camille Lapointe, Trésors et secrets de Place-Royale : aperçu de la collection archéologique, Québec, Publications du Québec, 1998, p. 3.
4. L’emplacement stratégique de la pointe de Québec avait incité Samuel de Champlain à y faire construire une Habitation en 1608. L’édifice de bois, reconstruit en pierre en 1624, sert notamment de comptoir pour le commerce des fourrures.
5. Ainsi, l’Habitation est fortifiée par différents dispositifs de défense : pont-levis, fossé, plateformes à canon, murailles percées de meurtrières (Françoise Niellon et Marcel Moussette, L’Habitation de Champlain, Québec, Publications du Québec, 1981, p. 29).
6. L’existence de ce premier marché public de la ville de Québec sera officialisée en 1676 (Monique La Grenade-Meunier, La société de Place-Royale à l’époque de la Nouvelle-France, Québec, Publications du Québec, 1992, p. 415).
7. En plus des marchands et des négociants, les propriétaires de résidences à la Place-Royale sont des artisans de métier, des administrateurs coloniaux ou des individus qui exercent une profession libérale. En ce qui concerne les professions exercées par les femmes sous le Régime français, une étude relève la présence d’une propriétaire-négociante, d’une aubergiste, d’une cabaretière et d’une couturière (Micheline Tremblay, Étude de la population de Place-Royale, 1660-1760, Québec, Publications du Québec, 1993, p. 5-6, 89).
8. En 1661, l’incendie d’une maison avait pu être maîtrisé de justesse. Les premiers règlements seront ensuite promulgués par le Conseil souverain, créé en 1663. Mais il faudra cependant attendre l’arrivée du gouverneur Frontenac en 1672 pour voir l’instauration d’une véritable politique en matière d’urbanisme et de réglementation. Parmi les mesures prises par Frontenac, notons la construction de murs pignons en maçonnerie, des échelles sur les toits et l’obligation de faire ramoner régulièrement les cheminées (Robert Côté, Portraits du site et de l’habitat de Place-Royale sous le Régime français : synthèse, Québec, Publications du Québec, 1992, p. 18, 30-31, 64-65).
9. L’actuelle maison Dumont offre une reconstitution d’une lucarne de ce type. Cette technique d’entreposage sera interdite à partir du milieu du XIXesiècle (Yves Laframboise et Monique La Grenade-Meunier, La fonction résidentielle à Place-Royale, 1760-1820 : synthèse, Québec, Publications du Québec, 1991, p. 225; Yves Laframboise, La fonction résidentielle de Place-Royale, 1820-1860 : synthèse, Québec, Publications du Québec, 1991, p. 358).
10. L’influence britannique sur l’architecture de Québec commence à apparaître à la fin du XVIIIe siècle par l’entremise d’ingénieurs de l’armée britannique et d’artisans anglo-saxons, mais elle ne se répandra que lentement au cours du XIXe siècle. À la Place-Royale, cette influence restera superficielle, portant surtout sur des techniques de construction et transformant des éléments en façade, car l’immobilier y est déjà en place dès le tournant du XIXe siècle. De plus, dans les premières décennies du XIXe siècle, les rénovations rendues indispensables en raison du vieillissement des habitations sont exécutées par des artisans d’origine française (Yves Laframboise et Monique La Grenade-Meunier, op. cit., p. 172-174; Yves Laframboise, op. cit., p. 162).
11. En période d’industrialisation, la Grande-Bretagne a grandement besoin de bois et s’approvisionne dans ses colonies, comme le Canada. L’industrie forestière bat son plein dans la partie ouest de la colonie (province de Québec et nord-est de l’Ontario actuels) et le port de Québec devient la plaque tournante du commerce d’exportation du bois vers la métropole.
12. Au tournant du XIXe siècle, quelque 850 personnes habitent dans le secteur de Place-Royale. L’espace, saturé, a déjà atteint les limites de sa capacité d’accueil. En 1861, ce n’est qu’un peu plus de 1 000 habitants qui y sont recensés. Dans le même laps de temps, la population de la ville de Québec va plus que sextupler, passant de quelque 8 000 à près de 52 000 habitants. Plus de la moitié des résidents de Place-Royale, propriétaires et locataires, occupent des fonctions et des métiers liés au négoce et aux activités portuaires. Les artisans, surtout localisés dans la rue du Petit-Champlain, y sont de moins en moins présents. Ils représentent 22 % de la population du secteur de Place-Royale en 1682, une proportion qui tombe à environ 12 % en 1860 (Yves Laframboise et Monique La Grenade-Meunier, op. cit., p. 10; Yves Laframboise, op. cit., p. 12; Renée Côté, Place-Royale : quatre siècles d'histoire, Québec, Musée de la civilisation; Montréal, Fides, 2000, p. 161).
13. La maison Fornel en est un exemple. Voir Michel Gaumond, « Les vieux murs témoignent » : le Collège des Jésuites, la 1re église de St-Joachim, la maison Fornel, Québec, Ministère des Affaires culturelles, 1978, p. 85; et Yves Laframboise, op. cit., p. 161-162.
14. Des années 1860 aux années 1880, le nombre de navires qui s’arrêtent au port de Québec diminue rapidement et un même mouvement de décroissance affecte l’industrie de la construction navale et le commerce du bois. Il passe de 1 500 bateaux en 1861 à quelque 275 en 1889. Toutefois, les bateaux qui fréquentent le port sont de plus fort tonnage qu’auparavant et transportent donc de plus volumineuses cargaisons. Les modifications apportées aux installations portuaires pour s’adapter à cette nouvelle réalité témoignent d’une certaine vitalité des lieux. Ainsi, le port demeure encore un secteur d’activités relativement important, où transitent voyageurs et marchandises qui utilisent également le chemin de fer (Renée Côté, op. cit., p. 167-168).
15. L’hôtel Blanchard, érigé à partir de la maison Le Picart en 1844, en est un exemple. Cet hôtel, qui a été fortement endommagé par un incendie en 1966, avait été agrandi en 1903 avec l’intégration de la maison Dumont. Il a pris par la suite le nom d’hôtel Louis XIV. Voir Jean-Marie Lebel, « Quand le président américain Taft avait sa chambre à Québec », Prestige, février 2010, p. 70-71.
16. Des années 1860 à 1920, le secteur de Place-Royale continue néanmoins d’attirer les milieux d’affaires et les institutions financières, de même que les entreprises de presse. Toutefois, à partir des premières décennies du XXe siècle, de nombreuses institutions financières iront s’établir en Haute-Ville, suivant le mouvement de la population.
17. Nombre de ces rapports sont disponibles sur le site Nos racines [en ligne], http://www.ourroots.ca/index.aspx?qryID=a65bf956-d2f7-49f8-9639-05beb48c59d5.
18. Il s’agit des maisons Hazeur, construite au XVIIe siècle, et Smith, datant du XIXe siècle.
Bibliographie
Clermont, Norman, Claude Chapdelaine et Jacques Guimont, L’occupation historique et préhistorique de Place-Royale, Québec, Publications du Québec, 1992.
Côté, Renée, Place-Royale : quatre siècles d'histoire, Québec, Musée de la civilisation; Montréal, Fides, 2000.
Côté, Robert, Portraits du site et de l’habitat de Place-Royale sous le Régime français : synthèse, Québec, Publications du Québec, 1992.
Laframboise, Yves, La fonction résidentielle de Place-Royale, 1820-1860 : synthèse, Québec, Publications du Québec, 1991.
Laframboise, Yves, et Monique La Grenade-Meunier, La fonction résidentielle à Place-Royale, 1760-1820 : synthèse, Québec, Publications du Québec, 1991.
La Grenade-Meunier, Monique, La société de Place-Royale à l’époque de la Nouvelle-France, Québec, Publications du Québec, 1992.
Lapointe, Camille, Trésors et secrets de Place-Royale : aperçu de la collection archéologique, Québec, Publications du Québec, 1998.
Paulette, Claude, Place-Royale, berceau d’une ville, Québec, Publications du Québec, 1986.
Provencher, Jean, L’histoire du Vieux-Québec à travers son patrimoine, Québec, Publications du Québec, 2007.