Monument commémoratif du Canada à Vimy

par Pépin, Carl

Vue d'ensemble du monument du Canada à Vimy, 2006

Vue d'ensemble du monument du Canada à Vimy, 2006

Le Monument commémoratif du Canada à Vimy est le plus important mémorial dédié à la mémoire de tous les soldats canadiens morts au champ d'honneur lors de la Première Guerre mondiale. Situé sur la crête de Vimy au nord de la France, le mémorial est l'attraction principale du terrain où s'est déroulée la bataille de Vimy du 9 au 12 avril 1917. Ce mémorial se veut également un rappel du sacrifice des militaires canadiens qui n'ont pas de sépultures connues. L'histoire, la portée symbolique et les nombreuses cérémonies commémoratives s'y rattachant font du mémorial de Vimy un lieu de mémoire de notoriété internationale.

 

Article available in English : Canadian National Vimy Memorial

Le mémorial : une description

Walter Allward, 1913

Walter Allward, 1913

Le Monument commémoratif du Canada à Vimy se situe sur la crête du même nom, à 8 kilomètres au nord d'Arras dans le département du Pas-de-Calais, près des localités de Vimy et de Neuville-Saint-Vaast. La crête de Vimy monte en pente graduelle sur sa façade ouest, tandis que sa pente est plus escarpée à l'est. Du nord au sud, elle couvre une distance de sept kilomètres. Le parc commémoratif aménagé au sommet occupe un espace de 250 acres. Au point le plus élevé, il est possible d'observer l'ensemble de la région du Pas-de-Calais dans un rayon de 35 kilomètres. Les vestiges de tranchées et les cratères laissés par les obus rappellent la violence exceptionnelle des combats qui s’y sont déroulés en 1917.

Le mémorial fut érigé sous la direction de l'architecte torontois Walter Seymour Allward. Sa construction dura onze ans et une somme de 1,5 million de dollars y fut investie. L’inauguration du monument eut lieu le 26 juillet 1936 en présence du roi d'Angleterre Édouard VIII, du Président de la République française Albert Lebrun et de plus de 50 000 vétérans canadiens et français de la Grande Guerre et leurs familles. Ayant fait l’objet d’une importante restauration à partir de 2004, le mémorial fut inauguré de nouveau en présence de la reine Élizabeth II en avril 2007, au cours d'une cérémonie marquant le 90e anniversaire de la bataille de Vimy. L'entretien du mémorial et l'administration générale du parc commémoratif sont maintenant sous la juridiction du ministère canadien des Anciens combattants.

Mère Canada avec vue au nord, 2007

Mère Canada avec vue au nord, 2007

L'architecte Allward a fait construire le mémorial sur le point le plus élevé de la crête de Vimy, la cote 145. Le monument comporte plusieurs composantes symboliques telles que des figures humaines, des objets militaires et des écritures, le tout évoquant les valeurs pour lesquelles les soldats canadiens de l'époque se sont sacrifiés. Le premier élément qui frappe le regard au loin est constitué par deux immenses colonnes en calcaire, hautes de 30 mètres et pesant 6 000 tonnes, situées sur une base rectangulaire cimentée pesant elle-même environ11 000 tonnes. Le calcaire utilisé pour l'érection de ces colonnes fut importé d'une ancienne carrière romaine située près de la mer Adriatique dans l'actuelle Croatie. Ces colonnes représentent respectivement le Canada et la France. Au sommet de celles-ci se trouvent des statues représentant entre autres la Vérité et la Connaissance.

L'une des figures qui se démarque de l'ensemble commémoratif est celle d'une femme. Tournée vers l'est, en direction de la plaine de Douai, la Mère Canada penche la tête vers le sol. Son regard triste sculpté dans la pierre symbolise cette jeune nation canadienne qui pleure la disparition de ses fils. Sur la face ouest du mémorial sont sculptées les figures d'un homme et d'une femme représentant les parents des soldats tombés. Quant à la base rectangulaire de sept mètres de hauteur qui stabilise la structure, elle représente le mur défensif érigé face à l'ennemi. Sur chacune des faces de cette base sont inscrits les noms des 11 285 soldats canadiens tués en France et n'ayant pas de sépulture connue.

 

Le symbole du sacrifice ultime

Monument de Vimy, Pas-de-Calais, France, 2008

Monument de Vimy, Pas-de-Calais, France, 2008

Le monument commémoratif de Vimy sert non seulement à marquer l'emplacement de la grande victoire canadienne de la Première Guerre mondiale, mais il constitue aussi un hommage à tous ceux qui ont servi leur pays en temps de guerre et ont risqué ou donné leur vie dans cette lutte de quatre ans. Par conséquent, le mémorial de Vimy bénéficie d'un poids culturel et d'une valeur patrimoniale considérable au Canada. Sa présence imposante sur une crête où tant de soldats sont morts rappelle une représentation de l’histoire largement répandue dans le Canada, à savoir que la nation canadienne aurait été forgée dans le fer et le sang sur ce champ de bataille en 1917.

L'érection de ce mémorial dans la période de l'entre-deux-guerres constituerait alors le point culminant de l'affirmation d'un nationalisme canadien qui serait parvenu à véritablement définir ses valeurs à partir de l'expérience des champs de bataille d'Europe. Par ailleurs, d'un autre point de vue, le mémorial de Vimy dépasserait les frontières de la crête et symboliserait l'ensemble des sacrifices de la nation canadienne à travers les guerres de son histoire. D'ailleurs, les sommes importantes investies par le gouvernement canadien dans la restauration du mémorial au début des années 2000 envoient un autre signal de la volonté des Canadiens de ne pas oublier le prix du sacrifice consenti pendant la guerre de 1914-1918, voire lors des conflits subséquents.

Autre signe de l'importance de sa valeur patrimoniale, le mémorial de Vimy est l’un des deux seuls sites historiques situés à l'extérieur du territoire canadien à être reconnus par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada. Rappelons que sa valeur dépasse les frontières symboliques de la bataille de 1917 : ce mémorial représente le sacrifice des 65 000 soldats canadiens tombés pendant la Première Guerre mondiale, dont plus de 11 000 n'ont pas de sépultures identifiées. Environ 7 000 soldats sont enterrés dans une trentaine de cimetières militaires situés dans un rayon de 20 kilomètres autour du parc commémoratif.

Monument de Vimy et plaine de Douai, 2004

Monument de Vimy et plaine de Douai, 2004

L'histoire d'un lieu : la bataille

Point stratégique et observatoire naturel par excellence, la crête de Vimy était tombée aux mains de l’armée allemande au début de la guerre en octobre 1914 dans le contexte de la Course à la mer, une série d'engagements au cours desquels les belligérants tentaient de se déborder mutuellement dans l'espoir de reprendre la guerre de mouvement. L’Armée française tenta à plusieurs reprises de déloger les Allemands, mais sans succès : en tout, elle perdra plus de 100 000 hommes dans ses tentatives de prendre la crête et le terrain avoisinant. Le XVIIe Corps d'armée britannique releva les Français dans le secteur en février 1916.

The Battle of Vimy Ridge (1917)

The Battle of Vimy Ridge (1917)

C'est en octobre 1916 que les quatre divisions d'infanterie formant le Corps canadien prirent la relève dans le secteur. La bataille de Vimy d'avril 1917 est le premier (et le seul) assaut mené simultanément par toutes les divisions du Corps canadien. Après cinq mois de préparation, l'assaut fut lancé le 9 avril 1917 au petit matin. Au cours des jours qui suivirent, le Corps canadien perdit environ 10 000 combattants, dont quelque 3 600 tués, faisant de Vimy l'un des assauts les plus sanglants menés par les Canadiens au cours de la guerre de 1914-1918.

 

L'histoire d'un lieu : le mémorial

Gravure des noms des soldats sur le socle du monument commémoratif du Canada à Vimy

Gravure des noms des soldats sur le socle du monument commémoratif du Canada à Vimy

C'est en 1922, après une série de discussions entre les gouvernements, qu'une partie du terrain où se déroula la bataille de 1917 fut cédée à perpétuité par la France au Canada. La construction du mémorial, débutée en 1925. s'étala sur une période de onze années. Pour l’érection du monument, ce sont essentiellement des ouvriers britanniques et français, la plupart des vétérans, qui furent embauchés et placés sous la direction d'Allward, lui-même rendant des comptes à la Commission impériale des Champs de bataille britanniques.

Allward mit lui-même plus de deux ans à parcourir l'Europe à la recherche du bon matériau pour l'érection du mémorial, pour finalement trouver un calcaire de qualité dans une ancienne carrière romaine dans l'actuelle Croatie. Des problèmes logistiques ont retardé la livraison de la pierre sur le site, si bien que les travaux n'ont pu commencer avant 1927 dans le meilleur des cas, voire en 1931 pour la construction de certaines statues.

Dans l'attente de la livraison des pierres, les ouvriers en profitèrent pour réaménager le site. Il fallait d'abord sécuriser le terrain en enlevant les mines, les corps et tous autres vestiges de la Grande Guerre. Afin de préserver un minimum d'authenticité au site, d'anciennes tranchées ont été réaménagées en bétonnant les parapets pour que les visiteurs puissent y avoir accès et se faire une idée du tracé de la ligne de front.

Tranchée sur la crête de Vimy, 2006

Tranchée sur la crête de Vimy, 2006

Finalement inauguré à l'été de 1936, le mémorial de Vimy accueillit à cette occasion plus de 8 000 visiteurs canadiens. Le site devint dès lors un lieu de prédilection pour les pèlerins des champs de bataille. Sa sécurité fit pourtant l'objet de vives inquiétudes pendant la Seconde Guerre mondiale, puis lors de l'Occupation allemande, alors que des rumeurs circulant au Canada faisaient état de son éventuelle destruction. Pour faire taire ces rumeurs, le ministère allemand de la Propagande alla jusqu'à publier des photos où l'on voyait Adolf Hitler visiter le mémorial en juin 1940.

Après quelques décennies d'exposition aux éléments de la nature, affecté notamment par les infiltrations d'eau, le gouvernement canadien entreprit en mai 2001 de restaurer le mémorial. Plus de 10 millions de dollars ont été investis et le parc commémoratif fut temporairement fermé aux visiteurs en 2005 pour permettre l’exécution des travaux, pour être ouvert à nouveau au public en avril 2007 lors de la commémoration du 90e anniversaire de la bataille de Vimy. Encore aujourd'hui, des dizaines de milliers de visiteurs et groupes scolaires parcourent le site chaque année. Ce dernier est aussi mis en valeur par un programme structuré de visites guidées animées par des étudiants canadiens.

 

Un lieu de pèlerinage

M. Georges Devloo devant le Monument commémoratif du Canada à Vimy

M. Georges Devloo devant le Monument commémoratif du Canada à Vimy

Le site est facilement accessible en voiture, taxi ou autobus, mais n'est pas actuellement desservi par un système de transport public. Pendant de nombreuses années, bon nombre de visiteurs canadiens avaient l'habitude d'utiliser les services de transport offerts par M. Georges Devloo, un résidant de Vimy qui se rendait tous les jours aux gares d'Arras et des villages avoisinants cueillir des Canadiens «égarés». Surnommé le « Grand-père de Vimy » par les guides canadiens, M. Devloo offrait gratuitement le transport avec sa voiture aux visiteurs canadiens. Sur une période de 13 ans jusqu'à son décès en février 2009, M. Devloo a transporté des centaines de visiteurs et sa contribution à la mise en valeur du site fut également reconnue par le gouvernement canadien.

Le Monument commémoratif du Canada à Vimy a fait l'objet de nombreux reportages, documentaires et demeure une référence par excellence de mise en valeur du patrimoine de la guerre de 1914-1918, toutes nations confondues. Il constitue un témoignage poignant de l'horreur vécue par les soldats canadiens.

 

Carl Pépin
Ph. D., 
Historien

 

 

Bibliographie

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Brown, Charles Hutton, Books of Remembrance, Ottawa, Veterans Affairs, 1983.

Canada, Veterans Affairs, The National War Memorial / Le Mémorial national de guerre, Ottawa, Veterans Affairs, 1982.

Canada, Veterans Affairs, Memorials to Canada’s War Dead / Mémoriaux aux Canadiens morts à la guerre, Ottawa, Veterans Affairs, 1985.

Canada, Veterans Affairs, The Vimy Memorial, Ottawa, Veterans Affairs, 1987.

Canada, Veterans Affairs, Le Monument commémoratif du Canada à Vimy / The Canadian National Vimy Memorial, Ottawa, Veterans Affairs, 1990.

Gibson, Edwin, et G. Kingsley Ward, Courage Remembered : The Story behind the Construction and Maintenance of the Commonwealth’s Military Cemeteries and Memorials of the Wars of 1914-1918 and 1939-1945, Toronto, McClelland & Stewart, 1989.

Hale, Katherine, Canada’s Peace Tower and Memorial Chamber, Designed by John A. Pearson : A Record and an Interpretation, Toronto, Mundy-Goodfellow Printing, 1935.

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Nicholson, G. W. L., « We Will Remember… » : Overseas Memorials to Canada’s War Dead, Ottawa, Veterans Affairs, 1973.

Shipley, Robert, To Mark Our Place : A History of Canadian War Memorials, Toronto, NC Press, 1987.

Vance, Jonathan F., Death so Noble : Memory, Meaning and the First World War, Vancouver, UBC Press, 1997.

Wood, Herbert Fairlie, et John Swettenham, Silent Witnesses / Témoins silencieux, Toronto, Hakkert, 1974.

 

 

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Vidéos
  • Le Monument commémoratif du Canada à Vimy (Film en partie muet) Ce film illustre l’évolution du Monument commémoratif du Canada à Vimy, en France, entre 1917 et 1960. Une première croix est érigée par les soldats canadiens en 1917 pour rendre hommage à leurs compagnons morts au combat. En 1936, le président français prononce un discours émouvant le jour de l’inauguration du nouveau monument, devant une foule impressionnante. On voit aussi des visiteurs sur le site en 1960.
    Vidéo basse résolution - Poids : 24799 Ko
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    Durée : 4 min 6 sec
  • Le Royal 22e régiment à l'étranger (Film partiellement sonorisé) Montage d'images d'archives montrant certaines activités du Royal 22e Régiment lors de missions à l'extérieur du pays. On y voit notamment le régiment lors de ses premières opérations à l'occasion de la Première Guerre mondiale en 1916, lors d'une revue des troupes canadiennes par le roi Georges VI en Italie en 1944. À NOTER: le vidéo est sonorisé de 01:45 à 03:08, alors que des journalistes décrivent la visite du R22R à divers endroits en Italie, notamment au pape Pie XII, en 1944. Enfin, le poste de commandement du R22R à Séoul et le cimetière des Nations Unies à Pusan (Corée) en 1951.
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    Durée : 4 min 12 sec
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